Il naît un jour de Noël 1745, dans la douceur brûlante de la Guadeloupe, fruit d’un amour interdit entre un riche planteur, Georges de Bologne, et Nanon, esclave africaine. Ce métissage, souvent source de préjugés, devient pour lui une force invisible mais puissante.
Dès l’enfance, Paris l’accueille : la capitale s’ouvre devant lui comme un vaste théâtre où musique, escrime et audace cohabitent.
Éduqué dans le faste aristocratique, il apprend le violon et l’escrime, maniant l’archet comme le fleuret avec une virtuosité qui fait tourner toutes les têtes. À 16 ans, il bat déjà le maître Alexandre Picard et devient l’un des plus grands escrimeurs de son temps. Dans les salons, on murmure son nom comme on salue une étoile filante : Saint-Georges, prodige métis, compositeur, chef d’orchestre et cavalier du destin.
Un musicien entre passion et reconnaissance
La jeunesse de Joseph Bologne est une course contre le temps et les conventions. Il écrit ses concertos et quatuors avec une précocité étonnante, dirige les plus grands orchestres parisiens, dont le Concert des Amateurs, l’orchestre de Madame de Montesson, et le fameux Concert de la Loge Olympique, où il invite Haydn à composer les célèbres « symphonies parisiennes ». Pourtant, malgré son génie, sa couleur de peau lui ferme certaines portes : la reine Marie-Antoinette le propose pour diriger l’Opéra de Paris, mais l’aristocratie offusquée refuse qu’un mulâtre commande la scène.
Sur scène ou sur le champ de fleuret, Saint-Georges fascine et défie. En 1787, son duel londonien contre le Chevalier d’Eon devient un événement européen, célébré dans les salons et immortalisé par les peintres. Comparé à Giuseppe Tartini pour son habileté au violon et à l’épée, il incarne la synthèse rare d’une virtuosité totale.
Révolution et engagements
Quand la Révolution éclate, Saint-Georges n’est pas seulement musicien : il devient officier et patriote. À Lille, il prend la tête de la Légion franche des Américains, un régiment de solda...